Certains festivaliers débarquent en ayant tout prévu : la location de l’appartement, évidemment, mais aussi le nombre de restaurants qu’on s’autorisera entre les pauses sandwichs et les pizzas sur le pouce. Quelques plages de repos sont aménagées, ouais, mais l’emploi du temps est quadrillé et on a même, bien à l’avance, chronométré la distance entre les théâtres afin de cocher pour chaque journée le maximum de spectacles dans le très volumineux programme du OFF traîné sous le bras ou dans le sac.

C’est justement ces programmes, ou encore mieux les cordelettes des badges trahissant les pros (les acheteurs des spectacles, ou les journaleux) que scrutent les « tracteurs ». Rien de mieux pour se faire alpaguer.

C’est justement ce qui m’arriva au bar du OFF au moment où je croisai deux yeux clairs qu’il me semblait déjà avoir aperçus quelque part ; vingt ans auparavant, découvris-je en cours de jactance, dans les brumes d’un plateau de tournage où j’étais passé un soir, en coup de vent, voir le travail d’un ami. J’avais oublié le film, j’avais oublié l’ami, pas les yeux …

Sous les yeux, la bouche, d’où sortit mon programme de la soirée car, ne faisant pas partie du quota des festivaliers qui ont bourré leur programme, je laisse toujours une petite place pour la poire, comme on dit chez nous (entre fromage et dessert).

Ne vous méprenez pas, souvent, la poire, c’est moi et je me laisse embarquer vers des spectacles improbables que jamais je n’aurais sélectionnées à jeun -en l’occurrence je n’aimais ni l’affiche ni le genre: l’autobiographie. Mais le bar, mais les retrouvailles, mais l’ambiance…

Le soir même je me rendis au théâtre des Amants, donc, pour ce spectacle répondant à la grande question : Comment devient-on artiste ? Qu’est-ce qui cloche ? Quelle morne fatalité dévoie la petite fille d’un village de Californie du Nord éduquée dans les normes pour s’envoler vers la ville des vices, vers Paris ?

J’aurais dû m’en douter et le nom du théâtre fournissait un premier indice: Théâtre des Amants. Et, en effet, il est question d’amour dans la vie bien remplie d’Elena et d’amour de la France, d’amour de Paris en premier lieu. C’est flatteur, ça fait toujours chaud au coeur et, en effet, Elena, la comédienne sait se mettre l’auditoire dans la poche tout au long de ce spectacle interactif où elle n’hésite pas à faire intervenir les spectateurs (en fait, c’est l’inverse : le public ne se fait pas trop prier pour monter sur le plateau et s’y amuser). Il ne faut jamais se priver de rire, disait ma mère, surtout quand on raconte une vie : on traîne tous des blessures, plus ou moins cicatrisées, qui ont déterminé une direction, un parcours, une vie quoi ! C’est ce que nous raconte, Elena, marquée par deux drames lui ayant finalement épargné une carrière banale dans l’enseignement. La narcolepsie d’un côté, car s’endormir en classe c’est mal vu, au fond de la classe, bien sûr, mais quand c’est la prof, c’est pire ! … Et le trac puisque la grande passion de sa vie était/reste le chant lyrique. Mais comment s’en libérer ? Pas facile… Coup de chance, Elena est une femme libre, justement, à qui il est plus facile de se mettre à nu que de donner sa voix au public. Une voie pour la sauver ?

C’est en effet tout en sincérité que l’impudique Elena, nous dévoile sa vie, son art. C’est la grande qualité de ce spectacle que de nous faire découvrir un personnage doux dingue et attachant. Une personnalité et un spectacle atypique.

Artiste : Elena Odessa Ray

Du 5 au 26 juillet  relâche les 8, 15, 22 juillet à  22h15  
Durée: 1h15

Théâtre des amants – Avignon OFF

Langue principale : français

Langue secondaire : anglais

Public : Adulte uniquement à partir de 0 ans


Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *